Marine Peyre vient de recevoir le prix FD 100 organisé par le French Design by VIA sous le parrainage d'Emmanuel Macron. Ce prix récompense 100 lauréats, designers pour la moitié et architectes d'intérieur pour l'autre, sur mille candidats. Comme Marine nous le précise, la condition principale pour concourir était d'avoir un projet à l'échelle internationale. C'est le cas des U chairs notamment, pour lesquelles Marine Peyre a été récompensée.
Ce qui séduit immédiatement dans le travail de Marine Peyre, avec le U sofa, c'est l'attention portée aux détails. Le galbe des éléments d'assise, les jeux de texture, trois tissus de matières différentes, en camaïeu, qui lui apportent cette élégance raffinée. Ce sofa représente bien le travail de Marine Peyre par sa modularité et sa simplicité. C'est un objet qui peut être mis n'importe où, pas seulement contre un mur et qui habille la pièce aussi. Le U sofa attire le regard par l'impression de pureté formelle et de sensualité qui s'en dégage.
Marine, qu'est-ce que ce prix va changer pour vous ?
Je suis très heureuse car ce prix représente une belle reconnaissance de mon travail et m'ouvre des perspectives intéressantes. Il célèbre la U chair qui est le fruit d'une collaboration entre Marine Peyre Éditions et la Maison de tissus danoise Gabriel. L'exposition de la ligne dans le show-room Gabriel ainsi que sa présence sur des sites comme Archiproducts lui ont en effet apporté une résonance à l'international.
Qu'est-ce qu'un prix comme celui de la French design apporte aux acteurs français ?
Le prix récompense les designers ou décorateurs dont le travail est représentatif de ce qui fait la spécificité française en matière de design : la créativité, le chic et l'élégance. La sensibilité à l'environnement, les métiers de la main lui donnent également une singularité forte. Ce prix est une vitrine de notre savoir-faire artisanal et industriel. A travers lui, c'est la capacité des designers français à se positionner sur le marché international qui est mise en avant. Cela est d'autant plus important dans le contexte actuel d'incertitude quant à nos capacités de production et de tension sur les approvisionnements en matières premières.
Est-ce que c'est essentiel pour vous de produire des objets éco-responsables ?
Au sein du travail mené avec la Maison Gabriel, l'écologie tient une place centrale. Il s'agit d'un tissu composé à 90% de polyester recyclé. La texture de ces tissus éco-conçus s'inspire de structures organiques. Ces tissus répondent à toutes les normes européennes en la matière.
Quel est votre best-seller ?
En termes d'image, c'est le Noda qui a eu un certain écho hors de France, aux Etats-Unis en particulier. J'ai toujours été intéressée par le travail sur une matière qui offre selon moi de nombreuses possibilités créatives : la mousse.
Cette assise est particulièrement originale et poétique... Comment vous est venue cette idée ?
J'avais conçu un premier objet, pour ma collection enfants, Octopousse, un poulpe, à la fois pouf et jeu, avec des tentacules. Le côté ludique me plaisait et j'avais aussi travaillé sur des assises de type Sacco. Je voulais voir ce qu'il était possible de créer avec un tube de mousse à la façon des designers des années 60-70 pour le côté pop et mono-matière sans assemblage mécanique. Je me fais donc livrer un tube de polyuréthane de 10 mètres de long avec l'idée d'en créer une assise. S'ensuit un travail physique pour lover ce cordage en mousse et le nouer. Je parviens à trouver la disposition idéale, un nœud de forme accueillante. Pour pouvoir reproduire cet agencement, j'ai dû rembobiner le fil. Pour chaque étape, prendre des photos, que j'ai disposées comme sur un tableau de matelotage.
Quel est votre plus grand succès commercial ?
Le B-flex qui m'a permis de lancer ma maison, Marine Peyre Editions. Avoir ma propre maison était en effet un rêve de jeunesse. C'est un mobilier modulaire qui s'adapte aux nouvelles façons d'habiter et de travailler. Les frontières entre espace extérieur et intérieur, chambre et salon s'amenuisent. Avec le développement du télétravail, le bureau s’est déplacé hors du champ professionnel et il n’a plus de pièce attitrée. Les éléments de B-flex, assises en mousse, dossiers accoudoirs et tablettes, peuvent être composés à l'envi dans un mouvement permanent ; ils créent leur propre espace. Le B-sleep est une variation sur cette ligne. Il est composé de différents éléments qui s'assemblent avec des sangles. Les couleurs viennent souligner les volumes. Ces éléments font aussi la part belle aux jeux de matières et de couleurs en camaïeu. Il se présente comme un divan ou une banquette sur laquelle on peut se reposer, à même le sol si l'on détache le matelas. On peut aussi y travailler, recharger ses appareils... Il s'inscrit dans la tendance des nouveaux espaces de travail, à la souplesse et flexibilité desquels le mobilier doit également s’adapter.
Quelles sont vos influences ?
J'aime le côté pop des designers des années 60-70. Joe Colombo notamment que je considère comme un père spirituel. Sa conception de l'habitat, vu à la manière d’un cube multifonction qui se transforme, continue de m'influencer. J'aime cette idée de travailler un vocabulaire de forme, d'aller à l'essentiel tout en apportant du confort et de la convivialité. C’est ce que j’ai voulu faire avec la chauffeuse Butterfly dans une nouvelle version habillée du tissu Fifties de l'éditeur Casamance. L'effet visuel évoque l'art cinétique, dans le sens où c'est l'œil du spectateur lui-même qui crée le mouvement.
Quelle est votre vision du design ?
Elle réside dans la capacité à concevoir des pièces qui soient reproductibles. Ce sont les contraintes liées à la fabrication d'un objet qui font tout l'intérêt du design. A l'inverse de la création artistique, le design ne peut pas se contenter du dessin car c'est le mode de transformation de la matière qui va déterminer la forme. Il s'inscrit profondément dans un processus de fabrication, de production et c'est ce cadre matériel qui le définit. Quand j'aborde un travail, les questions que je me pose sont : comment je vais pouvoir transformer cette matière, comment ça s'assemble, comment ça se découpe ? Dans le cadre de ma collaboration avec l'éditeur allemand Movisi, c'est un peu différent. Il travaille le Tep injecté en moulage industriel ce qui offre davantage de possibilités. Cependant ces moulages sont très onéreux. C'est ainsi que le U-cube, un système de mobilier multifonctionnel totalement modulaire a pu voir le jour.
Entre collaboration avec des éditeurs et Marine Peyre Editions, avez-vous trouvé un équilibre ?
Travailler pour d'autres me permet de mettre de côté l'aspect commercial, de me détendre. Ma maison d'édition propose une quinzaine de références, on ne peut pas sortir de nouveaux produits tous les jours. Concevoir des objets pour des éditeurs me permet de créer, de ne pas m'enfermer dans un processus. En revanche, il faut se conformer à un cahier des charges exigeant et aux contraintes liées à un plus grand volume de production.
Pensez-vous retourner un jour à Marseille ?
J'ai un peu fait les choses à rebours. J'ai commencé par Marseille avec la ligne de produits « Cooked in Marseille », une ligne d'objets en silicone aux couleurs vitaminées, qui a eu un bon accueil aussi bien à Tokyo qu'à New York et fait partie des collections du MoMA.Cependant, il y a dix ans, Paris était incontournable et c'était le meilleur endroit pour créer ma maison d'édition et puis j'ai fini par beaucoup m'y plaire et l'adopter.
Comment vous ressourcez-vous ?
Quand je ressens une piqûre de sud et de bleu, je retourne dans le sud-est. Regarder la mer et contempler l'horizon me sont très bénéfiques et me donnent de l'énergie pour repartir.
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